Berenice Abbott est née dans l’Ohio à la fin du XIXème siècle. Nous dirions aujourd’hui qu’elle fut « influenceuse» : elle a contribué à promouvoir les œuvres d’Eugène Atget et de Lewis Hine. Photographe, elle est connue pour ses portraits, pendant sa période parisienne. Ensuite, elle s’illustrera avec ses photographies urbaines et architecturales du New York des années 1930. Enfin, elle réalisera des photos scientifiques. Artiste en marge des courants et des modes, Berenice Abbott a gagné la reconnaissance au crépuscule de sa vie.
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Berenice Abbott, la jeunesse
Berenice est née le 17 juillet 1898 à Springfield dans l’Ohio. Elle a vécu une enfance difficile dans une famille déchirée, qu’elle a quittée dès ses 19 ans.
Elle fera des études de journalisme à l’université de l’Ohio puis aux Beaux-Arts de New-York. Fréquentant les milieux artistiques et intellectuels new-yorkais, elle rencontre Man Ray et Marcel Duchamp.
Aux Beaux-arts, elle étudie la peinture et la sculpture. En 1921, elle rejoint Paris ou elle travaille dans l’atelier d’Antoine Bourdelle, puis chez Constantin Bracusi. Ensuite, elle ira à Berlin où elle étudiera à la Kunstschule. Elle ne connaîtra pas de succès dans ces matières artistiques et acceptera, de retour à Paris d’être l’assistante de Man Ray.
Paris – Studio
Berenice Abbott, assistante de Man Ray, est à la fois son modèle (elle pose nue pour lui) et sa collaboratrice. Il lui apprend le tirage, puis la prise de vue, elle est particulièrement douée pour le tirage en laboratoire. Puis ses portraits connaissent un certain succès et lui apportent ses premiers revenus « concrets »
En 1926, elle prend son autonomie et ouvre son propre atelier, 44, rue du bac. Elle connaît rapidement la réussite : André Gide, Jean Cocteau, James Joyce, la princesse Murat, Marie Laurencin, André Maurois, Pierre de Massot, Sylvia Beach, Janet Flanner sont ses clients.
Pendant cette période « parisienne » Abbott collabore également avec le magazine « Vu »
Dans cette série de 9 portraits on notera le style épuré de la mise en scène qui contraste avec les décors opulents chers à certains photographes.
Paris, Eugène Atget
Berenice Abbott rencontre Atget en 1925. Il a alors 70 ans et n ‘est pas en bonne santé. Fascinée par la modernité de ses travaux, elle lui achète quelques tirages. Berenice fera son portait en 1927. Eugène Atget ne verra jamais cette ultime photographie où il apparaît très affaibli. Il est mort très peu de temps après la prise de vue. Abbott ayant à cette période une situation financière confortable, en profite pour acheter toutes les archives d’Eugène Atget, jusqu’alors négligées. Elle ne cessera de promouvoir son œuvre en écrivant des livres et en organisant des expositions.
Pour en savoir plus sur ce photographe parisien, mon article : Eugène Atget
Berenice Abbott, Changing New-York
C’est en 1929 que Berenice revient à New-York avec dans ses bagages les archives d’Eugène Atget. Elles seront exposées à la galerie de Julien Lévy.
Après 8 ans d’absence, les changements architecturaux de New-York, les contrastes entre la ville ancienne et les buildings modernes surprennent Berenice Abbott. Peut-être influencée par l’œuvre d’Atget, elle décide d’entreprendre un grand projet : photographier New-York pour conserver la mémoire de son temps.
La vie n’est pas facile pour Berenice à New-York : sa renommée parisienne ne l’a pas suivie. La concurrence est rude et son style réaliste, précis, sans compromis n’est pas dans l’air du temps. Le pictorialisme, dont Alfred Stieglitz est le porte-drapeau, est à son apogée. La grande dépression du début des années 1930 empire la situation financière de Berenice Abbott.
Elle finira par obtenir un poste d’enseignante de photographie en 1935 qui lui assurera un revenu fixe.
Son projet Changing New-York n’aboutira qu’en 1937 par une exposition au musée de la ville de New-York. Une publication dans le magazine Life suivra, ainsi qu’un livre, en 1939.
Encouragée par cette notoriété, Abbott continuera de promouvoir l’œuvre d’Eugène Atget ainsi que celle de Lewis Hine. C’est à cette époque qu’elle a rencontré ce photographe américain dédaigné par le microcosme new-yorkais.
Berenice Abbott, photographe scientifique
Dès le début des années 1940, Abbott proposera des reportages de photographie scientifique. Elle veut faire découvrir la science à ses contemporains. Il lui faudra attendre près de 20 ans pour obtenir une collaboration avec le Massachusetts Institute ot Technology et réaliser ce projet. En pleine guerre froide, les États-Unis ont compris qu’il fallait encourager la recherche scientifique.
Au début des années 1960, Berenice Abbott va quitter New-York pour s’installer dans le Maine. Elle pratique moins la photographie, pourtant elle produit une série de photos prises le long de la route n°1, le long de la côte Est.
Pendant cette période, elle se consacre à l’écriture. The world of Atget est publié en 1964, suivi de livres documentaires techniques. Comme ses modèles, Eugène Atget et Lewis Hine, elle connaîtra une « traversée du désert » et tombera dans l’anonymat.
C’est dans les années 1970 que la reconnaissance viendra. Elle obtiendra de nombreux prix et récompenses.
Berenice Abbott s’est éteinte le 9 décembre 1991 à Monson dans le Maine
La personnalité de Berenice Abbott, photographe
Comme nous l’avons vu, Abbott était en marge des modes de son époque. Femme indépendante, ce qui n’était pas courant au début du XXème siècle, elle représente avec Lisette Model les femmes fondatrices de la New-York Photo League. Cette organisation, fondée en 1936, rassemble des photographes documentaires.
Au fil des biographies, nous voyons que de nombreux photographes de la fin du XIXème, début du XXème siècle ont fait leurs premières armes dans la peinture. Nous le constatons dans les sujets : natures mortes, portraits dans des décors élaborés et dans les tirages. Le post-traitement des photos en laboratoire permettait de personnaliser les œuvres.
Quand Berenice est revenue à New-York en 1929, la mode était encore au pictorialisme, courant emmené par Alfred Stieglitz.
La conception de Berenice Abbott est différente. Elle se veut documentaire, rigoureuse, précise. Pour elle la photographie ne doit pas imiter la peinture par ses compositions et ses manipulations, elle doit être témoin de l’instant. Elle dira à la sortie de Changing New-york
« Le rythme de la ville n’est ni celui de l’éternité ni celui du temps qui passe mais de l’instant qui disparaît.
C’est ce qui confère à son enregistrement une valeur documentaire autant qu’artistique. »
Berenice Abbott
C’est bien sûr, ce caractère authentique que Berenice a apprécié dans les œuvres d’Atget et de Hine. Le passé n’est pas nostalgique : fixé par la photographie, il est à sa place.
La bibliographie de Berenice Abbott
De nombreux livres ont été écrits par Abbott, et à son sujet. Je vous propose un prochain article pour en faire une synthèse :
Conclusion
Nous perpétuerons au fil des décennies ce débat entre la photographie documentaire, précise, rigoureuse et la photographie mise en scène, retouchée, manipulée. Nous venons de voir que cette dualité existait à l’époque de Berenice Abbott entre les adeptes du pictorialisme et ceux de la photographie directe ( Straight Photography). Au siècle du numérique, le choix des prises de vue en mode RAW impose le post-traitement. Par conséquent, l’opérateur met sa touche finale au grand dam de certains qui décrient la « photo retouchée ».
Concevons que la photographie de reportage soit rigoureuse, exacte. Elle est un témoignage et se doit authentique. Concevons que certains prennent des vues pour garder l’instant T en mémoire, et qu’ils ne voient pas la nécessité de retoucher leurs prises de vue. Mais acceptons que d’autres puissent retravailler leurs photos pour leur donner l’aspect qu’ils souhaitent.
Je ne le dirai jamais assez la bonne photographie est celle que nous voulons faire (prendre et post-traiter)
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