C’est une promenade dominicale que je vous propose dans cet article. Le Musée Niepce de Chalon étant fermé (mesures sanitaires), c’est dans le Square Chabas qu’une partie des oeuvres du collectif « Tendance floue », dans le cadre de l’exposition « Azimut », est présentée.
Azimut
Une marche photographique du Collectif Tendance Floue
Ce collectif s’est constitué pour retrouver une certaine idée de liberté, d’indépendance par rapport aux contraintes professionnelles habituelles
AZIMUT est la marche photographique de 4267 km à travers le territoire français, menée en relais par les trente deux photographes du collectif. L’itinéraire de chacun est libre. Chemins creux ou routes goudronnées, lignes droites ou sinueuses, les marcheurs-photographes n’ont qu’un horaire à respecter : le rendez-vous fixé avec celui ou celle qui lui succède.
Malheureusement, cette exposition a d’abord été reportée en raison de la crise sanitaire, puis la fermeture illimitée des musées en empêche la découverte. C’est au Square Chabas de Chalon sur Saône qu’une partie des oeuvres est présentée, à l’initiative de la direction du Musée.
Je vous présente ici une partie des photos avec les légendes écrites par les photographes. A la fin de l’article, un lien vers la vidéo montée par le Musée Niepce vous permettra de prolonger cette découverte.
Bertrand Meunier au Km 0
» Je suis allé au bord de la Seine, observer les retraités et leurs chiens.
J’ai pensé « Aux feux de l’amour », à ma mère que je n’ai pas vue depuis cet été, à plein de petites choses de la vie, la mienne, la vôtre, le monde.
C’était bien, tout était calme, les péniches sont silencieu -ses. »
Gilles Coulon au Km 342
« On est Dimanche, je me sens seul. Je paie, je sors, je marche à nouveau.
Mes jambes sont un peu lourdes.
Pas facile, les départementales. Compliqué de trouver la bonne technique entre goudron et bas-côtés dans l’herbe. »
Meyer au Km 460
» Elle me demande pourquoi j’ai voulu qu’une femme m’accompagne. Elle dit savoir se méfier des hommes, de leur désir, leur tyrannie.
Je lui réponds que je dois comprendre que je marche pour le possible d’apprendre. Je tiens à l’épreuve, à la saveur de son regard, Je dis « par Amour ». »
Antoine Bruy au Km 600
» Mes premiers pas se font dans l’alégresse. Je me sens léger. Je pourrais aller au bout du monde.
De Vézelay, je rallie Saint-Père, puis Foissy-lès-Vézelay.
Je trouve un gîte et file au bar du coin. »
Marion Poussier au Km 798
» Plus tard, en marchant, je repense à ce voyage, à notre amour, à ce moment-là, à nos deux filles qui sont nées peu de temps après, à ce que nous sommes devenus maintenant.
Pas boulangers. Et notre amour? Sur le chemin, je photographie ces branches entremêlées, cassées, ça me parle.
Les moments qui brisent et ceux qui consolident une histoire.
Quels chemins avons-nous pris ? »
Kourtney Roy au Km 1582
» It’s hell here, a nice hell, but still hell. Arrived at « Les Hameaux de Miel », a small ray of sunshine in this cursed voyage.
A clear blue lake, a soft sandy beach. Went swimming despite the overload of children screaming in the water. I am sure I drank their piss.
I don’t give a rat’s ass, the water was fresh and my massacred feet found a small respite in this asphalte inferno. »
Pascal Dolémieux au Km 1712
» Je suis passé aussi au bord du gouffre, des gouffres devrais-je dire tellement la région en est truffée.
Une sorte de gruyère avec des brebis autour. Et il fait chaud, et beau, tout va bien. »
Stéphane Lavoué au Km 2099
» Cette campagne se meurt, convulsive, en crachant sa haine de l’autre, de l’étranger. Ces gens se sentent abandonnés. La colère se trompe de cible. »
Léa Habourdin au Km 2246
» C’est grisant d’avancer. On serait tenté d’aller loin, d’aller vite. On commence à compter les kilomètres, à se congratuler. Mais j’ai lesté mon sac de pierres et cet éloge de la pesanteur empêche toute velléité kilométrique. Je n’irai pas loin, je n’irai pas vite? «
Clémentine Schneidermann au Km 2743
» La mer est encore loin, nous sommes épuisées. Etape pour la nuit au camping l’Evasion. Je retrouve ma tente, froissée et sale, que je n’avais pas ouverte depuis mon voyage au Groenland, il y a quelques semaines. Le camping est convivial, les gens nous saluent. Nous sommes repérées. La nuit tombée je photographie un groupe de pré-adolescents qui trône à côté du billard. » Madame, vous travaillez pour quel journal ? » me lance un garçon. Je lui demande quel journal il connaît. « PMU » dit-il. »
Mouna Saboni au Km 2902
« Il y a une terre perdue. Des hommes qui se cachent. Il n’y a pas de mots au départ. Il y a une terre brûlée. Ensuite « marée », « rouille », « ancre ». Puis il y a des noms d’îles, de mers, d’ouragans. Il y a des yeux délavés. »
Guillaume Chauvin au Km 3048
» Puis je grimpe encore, un oiseau me frôle, aussi bruyant qu’un cerf volant.
Je traverse parfois le maquis à quatre pattes en marmonnant « Azimut ».
Au même moment Anastasia m’apprend par SMS que Victor commence à marcher.
Devant mes yeux le temps danse, flou. »
Gabrielle Duplantier au Km 3249
» Il fait nuit noire. En sentant le ciel, je vois dans les nuages, le visage de mon oncle Alberto hurlant, avalant la lune, puis se déformer et devenir peu à peu celui de ma mère, calme et serein. »
Laure Flammarion et Nour Sabbagh au Km 3502
» Parfois enfin, soudain, nous rencontrons les absents dont nous avons guetté les empreintes.
Il y a cette place avec le café Carton qui fait vivre un village dont tout le monde a envie de foutre le camp. »
Bertrand Desprez au Km 3622
» Une brume coriace et quelques degrés dans une solitude absolue. Tout près de l’abandon, perte de repères, détour monstrueux et arrivée sur un lac par une forêt en pente vertigineuse. »
Julien Mignot au Km 3845
» Car, je le disais, la marche n’est pas très propice à la photographie. À la mienne en tout cas. Elle est trop métronomique, le paysage se cite en permanence. »
Yohanne Lamoulière au Km 4124
» Et nous, nous usons nos yeux à regarder. Ça pique. La marche est terminée, ça sent l’océan, rien que l’océan. »
Vidéo proposée par le Musée Nicéphore Niepce.
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